Numéros spéciaux

Hors série 2004
Autour de l’œuvre d’Albert Bandura

“De l’apprentissage social au sentiment d’efficacité personnelle”

Couverture Hors série Bandura

Table des matières :
Philippe Carré – Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ?
Pierre-Henri François – Fondements sociaux de la pensée et de l’action chez Bandura
Jacques Lecomte – Les applications du sentiment d’efficacité personnelle
Benoît Galand, Marie Vanlede – Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation : quel rôle  joue-t-il ? D’où vient-il ? Comment intervenir ?
Thierry Meyer, Jean-François Verlhiac – Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l’exposition aux  risques et de la préservation de la santé ?
Elodia de Almeida Carapato, Jean-Michel Petot – L’intérêt clinique du concept d’efficacité personnelle
Jean-Pierre Pourtois, Benoît Demonty – Nouveaux contextes sociaux et croyances d’efficacité
Articles traduits par Carmen Compte
« Il privilégie le côté positif »
« Le hasard peut jouer un rôle-clé dans la vie, déclare le psychologue »
« Bandura : ce n’est pas le moment de se passer des psychologues »

Albert Bandura, l’un des plus célèbres psychologues américains, est au fondement du courant sociocognitiviste. Le noyau épistémologique de son œuvre place l’individu au cœur d’une triade d’interactions entre facteurs cognitifs, comportementaux et contextuels. Les sujets sociaux apparaissent ainsi à la fois comme les producteurs et les produits de leur environnement. Dans ce cadre théorique, la notion d’auto-efficacité devient centrale. En désignant les croyances qu’un individu a dans ses propres capacités d’action, quelles que soient ses aptitudes objectives, elle pose le sentiment d’efficacité personnelle comme base de la motivation, de la persévérance et d’une grande partie des accomplissements humains.

Dans ce numéro hors-série, onze auteurs présentent l’œuvre d’Albert Bandura et commentent la théorie sociocognitive qu’il a développée et affinée depuis trente ans. Ce sont en particulier les modalités d’action de l’auto-efficacité, dans tous les domaines de la vie quotidienne, qui sont étudiées ici : réussite scolaire, travail professionnel, psychothérapie, vie familiale, santé, action collective…

Cette livraison paraît à la veille de la venue du psychologue américain en France à l’occasion de la 7e Biennale de l’éducation et de la formation (Lyon, 14-17 avril 2004).

Depuis, Albert Bandura est venu à Toulouse, au 7e colloque européen sur l’auto-formation : “Faciliter les apprentissages autonomes”, les 18, 19 et 20 mai 2006.

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Résumés des articles
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Philippe CARRÉ
Professeur en Sciences de l’éducation, Université de Paris 10 Nanterre

Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ?

Après avoir livré un aperçu de la biographie de l’auteur, cet article propose une description synthétique des grandes dimensions de l’œuvre d’Albert Bandura, depuis les premières théorisations de l’apprentissage social jusqu’aux travaux des années 2000, en passant par la construction progressive de la théorie sociocognitive autour du concept nodal d’auto-efficacité. On cherche ici à souligner la portée théorique et pratique de cette œuvre et sa contribution majeure à la construction d’une théorie intégrative du soi.  Son intérêt pour la compétence et l’accent qu’elle porte sur les dimensions sociales du soi lui confèrent une grande actualité et un potentiel heuristique certain.

Bandura :  A psychology for the third millennium ?

This article offers an outline of Albert Bandura’s biography and major research contributions, from the initial social learning theory to his works of 2000 and beyond, including the progressive construction of social cognitive theory and its central concept of self-efficacy. It underlines both the practical and theoretical scope of Bandura’s work and its contribution to an integrated theory of human agency. Its focus on competence and its emphasis on social dimensions of self-identity convey a keen sense of relevance today and a huge scientific potential for tomorrow.

Pierre-Henri FRANÇOIS 
maître de conférences en psychologie du travail à l’université de Poitiers.

Fondements sociaux de la pensée et de l’action chez Bandura

Les fondements sociaux de la pensée et de l’action seraient encore plus déterminants que ne le prévoit la théorie sociale cognitive de Bandura. En particulier est interrogée l’universalité des processus d’auto-efficacité. La thèse selon laquelle ces processus dépendent de facteurs sociaux et culturels est étayée par l’analyse des écrits de Bandura et par les résultats d’études interculturelles. Le modèle de Bandura décrirait mieux les processus à l’œuvre chez certaines populations caractérisées par leurs appartenances sociale et culturelle. Il semble, par exemple, que la théorie s’applique mieux à la culture occidentale qu’aux cultures asiatiques. La perspective développée ici vise à discuter la compatibilité des conceptions de Bandura avec des approches accordant le primat à l’ancrage social et culturel des processus cognitifs.

The social foundations of thought and action as laid down in Bandura’s Social Cognitive Theory

The social foundations of thought and action may be more decisive than it appears in Bandura’s social cognitive theory. The universality of self-efficacy processes is especially discussed. The thesis according to which processes depend on social and cultural factors is supported by the analysis of Bandura’s writings and by results of intercultural studies. Bandura’s model may provide a better description of processes operating in certain kinds of populations characterised by their social or cultural membership. For example, the theory may apply better to Western culture than to Asian cultures. The purpose of this paper is to discuss the compatibility of Bandura’s conceptions with approaches that give the primacy to the social and cultural anchoring of cognitive processes.

Jacques LECOMTE
Docteur en Sciences de l’éducation, traducteur en français de l’ouvrage d’Albert Bandura, Self-efficacy.

Les applications du sentiment d’efficacité personnelle

La théorie du sentiment d’efficacité personnelle présente une grande ampleur, tant sur le plan théorique, que sur celui de ses applications pratiques. Après avoir présenté les principales composantes de cette théorie, l’auteur en décrit les applications possibles dans trois domaines : la réussite scolaire, le travail professionnel, la psychothérapie. Il propose, en conclusion, une voie de recherche encore inexplorée.

Applications of self-efficacy

Self-efficacy theory is rich in terms of both theory and practical applications.  After introducing the main components of the theory, the author describes possible applications in three areas of human interaction :  education, work, and psychotherapy.  In conclusion, he suggests an as yet unexplored orientation for future research.

Benoît GALAND, Marie VANLEDE
– docteur en psychologie, chercheur et chargé de cours à la Chaire de pédagogie universitaire de l’Université catholique de Louvain
– doctorante en psychologie à l’Université catholique de Louvain sur les déterminants des croyances d’efficacité.

Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation : quel rôle joue-t-il ? D’où vient-il ? Comment intervenir ?

Cet article passe en revue les recherches empiriques concernant les croyances d’efficacité personnelle dans le domaine de l’enseignement et de la formation. Trois questions principales sont abordées : Que sait-on du rôle du sentiment d’efficacité dans l’apprentissage ? Quelles sont les sources du sentiment d’efficacité dans le domaine de l’apprentissage formel ? Quelles sont les interventions éducatives possibles afin d’accroître le sentiment d’efficacité personnelle des apprenants ? Les résultats passés en revue indiquent que les croyances d’efficacité ont des effets non négligeables sur l’engagement, les performances et la trajectoire de formation des apprenants. D’autres résultats permettent de mieux cerner les sources d’information qui influencent ces croyances d’efficacité. Nombre de recherches présentées offrent des pistes d’action pour des interventions pédagogiques. Globalement, les études présentées démontrent qu’il est possible de soutenir le développement des compétences et du sentiment d’efficacité des apprenants, même quand ceux-ci ont un niveau initial de compétence très bas.

Self-efficacy beliefs in education and training :  What role do they play ? Where do they come from ? What could this mean for teachers and trainers ?

This article reviews empirical research into the role of self-efficacy beliefs in the area of education and training. Three main questions are raised : What do we know about learner self-efficacy ? What are the sources of self-efficacy beliefs in formal learning environments ? In what ways can teachers and institutions work to heighten learners’ self-efficacy beliefs ? The findings reviewed here indicate that such self-efficacy beliefs have non-negligible effects on a learner’s commitment to learning, ultimate level of performance and choice of subsequent study path(s). Other results allow us to identify more precisely those sources of information which influence self-efficacy beliefs. Much of the research presented suggests ways in which pedagogical intervention could contribute to enhancing self-efficacy. Globally speaking, the studies discussed here show that it is possible to sustain the development of learners’ competence as well as their self-efficacy beliefs. This appears to be the case even when learners start out with a very low skills level.

Thierry MEYER, Jean-François VERLHIAC
– Professeur de Psychologie sociale à l’université Paris 10 Nanterre
– Maître de conférences en Psychologie sociale à l’Université Paris 10 Nanterre

Auto-efficacité : quelle contribution aux modèles de prédiction de l’exposition aux
risques et de la préservation de la santé ? 

Après un rappel des éléments clés de l’approche sociocognitive de Bandura, l’objectif est d’explorer comment l’auto-efficacité est intégrée à des modèles psychosociaux de prédiction des comportements relatifs à l’exposition au risque et à la préservation de la santé. Dans ces modèles, les effets de l’auto-efficacité sont supposés directs et/ou médiateurs. L’auto-efficacité est d’abord abordée selon la nature de ses effets sur l’intention comportementale, l’autorégulation des comportements de santé, le processus de leur changement et leur maintien. La contribution de l’auto-efficacité est ensuite comparée à d’autres construits des modèles (contrôlabilité de l’environnement, contrôle perçu des comportements et des événements, attentes des conséquences, contrôle de la peur et du danger, implémentation de l’intention). Quelques implications pour la conception et l’évaluation des messages de prévention sont examinées.

Self-Efficacy : What contribution to the predictive models of risk exposure and health-protection ?

Self-efficacy is embedded within current social psychology model’s that predict behaviors related to risk exposure and heath protection. We first expose basic premises of Banduras’ social-cognitive theory. As a variable in these models, self-efficacy is hypothesized to have a direct and/or mediational influence. We explore how self-efficacy influences behavioral intention, self-regulation of health behaviors, processes changes and maintenance of health behaviors.  The weight of self-efficacy is compared to other constructs (controllability of the events, perceived behavioral control, outcomes expectancies, coping and threat appraisals, implementation of intention). Self-efficacy could benefit to the conception and assessment of health messages.

Elodia DE ALMEIDA CARAPATO,
Jean-Michel PETOT
membres du laboratoire de Psychologie clinique des Faits culturels (université Paris 10 Nanterre

L’intérêt clinique du concept d’efficacité personnelle

La notion de sentiment d’efficacité personnelle se ramène à une idée très simple mais très éclairante, issue de la réflexion sur la pratique des thérapies comportementales : la capacité d’une personne à entreprendre certaines actions dépend largement de sa croyance dans cette capacité. Cette théorie éclaire les premières contributions de Bandura : la notion d’apprentissage vicariant, et donc la technique psychothérapeutique du modeling, qui est interprétée, comme le sont finalement tous les procédés des thérapies cognitivo-comportementales, comme autant de moyens d’augmenter le sentiment d’efficacité du patient et donc son efficacité réelle. La croyance dans sa propre efficacité apparaît dès lors comme un phénomène fondamental dans l’ensemble des processus qui assurent l’adaptation, la santé et le bien-être psychiques. Cette théorie rend également compte des troubles psychopathologiques les plus courants -anxiété, dépressions, troubles du comportement alimentaire et addictions – en termes de défaillances spécifiques de la croyance dans sa propre efficacité.

Self-efficacy beliefs and their relevance to a clinical approach

At the core of self-efficacy theory is a very simple but illuminating idea which stems from behavior therapy, i.e. that a person’s ability to undertake certain actions depends largely on his or her belief in such an ability. This theory sheds light on some of Bandura’s early research into vicariant or social learning, and hence into the therapeutic technique of modeling, which is interpreted, not unlike virtually all psychotherapeutic processes, as a means to enhance the patient’s perceived self-efficacy and as a result, his or her “real” efficacy. Accordingly, perceived self-efficacy appears to be a fundamental phenomenon which assures adaptation to change, good health, and psychological well-being. This theory also provides a framework for understanding current psychological disorders such as anxiety, depression, eating disorders and addictions, inasmuch as such disorders are conceived of as resulting from a failure to believe in one’s own efficacy to deal with such problems.

Jean-Pierre POURTOIS, Benoît DEMONTY
– Professeur de Sciences de l’éducation à l’Université de Mons-Hainaut.
– Collaborateur de recherche à l’Université de Mons-Hainaut

Nouveaux contextes sociaux et croyances d’efficacité

Les croyances d’efficacité personnelle (Bandura, 2003) s’avèrent importantes dans un contexte social où l’individu est amené à exercer des rôles de plus en plus complexes et variés et où les institutions ont perdu une grande partie de leur pouvoir de contrôle social. Au sein de la famille et du couple, dans le monde du travail, au cœur de la Cité, l’individu est forcé de prendre des engagements identitaires (Bajoit, 2003). Après avoir présenté brièvement ce contexte social nouveau, nous passerons en revue quelques domaines au sein desquels les croyances d’efficacité constituent un enjeu prépondérant (santé, action communautaire, école), en nous attardant plus particulièrement sur le champ de l’éducation familiale. Nous verrons aussi que l’idéologie de la réussite et de la compétence produit chez certains individus une importante souffrance identitaire et sociale.

New social contexts and self-efficacy beliefs”

Self-efficacy beliefs (Bandura, 2003) are important in social contexts in which, on the one hand, the individual is inevitably led to take on an ever more complex and multi-faceted role in making his way in life, and on the other hand, in which institutions have lost a major part of their power of social control. Be it in families, in couple relationships, in the workplace, or in our towns and cities, the individual is obliged to make « identity-based commitments » (Bajoit, 2003).  After a brief presentation of this new social context, we will review a number of areas in which self-efficacy plays a crucial role (health, community service, education…), while focusing on the particular role which it can play in the context of raising a family.  We will also see how the ideologies of « success » and « achievement » may produce for some individuals notable forms of identity-based/social suffering.


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Hors-série 2007

“Engagement en formation
et rapport au travail”

couverture du n° hors série 2007Table des matières

Éditorial
Articles de recherche
Jacques Aubret, Nicole Demouge – Orientation des adultes et formation tout au long de la vie
Coralie Perez – Emplois précaires et formation continue
Magali Crochard – Contribution à l’étude des liens entre engagement en formation et rapport au travail
Mireille Prestini-Christophe – La décision de la personne adulte à entrer en formation dans le secteur social
Gilles Pinte, Roseline Le Squère – De la flexibilité à la sécurisation des parcours professionnels : l’outil VAE et les intérimaires
Recommandations aux auteurs des articles

Auteurs dans ce numéro : Jacques Aubret, Magali Crochard, Nicole Demouge, Roseline Le Squère, Coralie Perez, Gilles Pinte, Mireille Prestini-Christophe.

Éditorial

L’engagement en formation professionnelle des demandeurs d’emploi, des jeunes et des salariés les moins qualifiés, nécessite tout un éventail de conditions qui leur fait précisément défaut de par leur appartenance sociale. Régulièrement des discours sur l’absence de motivation (appétence pour certains !) des moins qualifiés viennent justifier l’absence de travaux d’investigation sur les mécanismes d’engagement et de désengagement dans les programmes et dispositifs de formation professionnelle dédiés à ces publics.

Ce numéro spécial, destiné à accompagner la réflexion des ateliers de l’Afpa, sur le thème du lien entre sécurisation des parcours et compétitivité, a voulu insister sur une meilleure compréhension des conditions d’optimisation de l’usage de la formation dans les trajectoires des moins qualifiés. Il s’agit de mieux cerner ce qui fait obstacle à l’engagement en formation ou ce qui le ­favorise.

Les contributions retenues abordent, sous des angles différents, cette question qui peut se résumer au lien difficile entre engagement en formation et rapport au travail pour les personnes en situation fragile sur le marché du travail.

Profils personnels et contextes d’emploi
Dans la compréhension des conditions de réussite des parcours d’insertion ou de retour à l’emploi, il faut parvenir à un équilibre entre l’analyse des situations personnelles et la prise en compte du contexte économique et social. Une trop forte attention sur les caractéristiques personnelles peut déformer la compréhension du type d’instrumentation à mettre en place dans le champ de l’accompagnement des mobilités. La distinction entre emploi et travail est notamment importante de par le développement des statuts précaires. Ceux-ci brouillent le sens du projet professionnel et tendent à occulter les acquis et les compétences des personnes dans une société où les modèles de l’école et de l’ancienneté dans le même emploi ont longtemps été les seuls fondements d’objectivation des savoirs professionnels. Or, dans les expériences cumulées d’emplois de courte durée, il y a des processus d’amputation des savoirs (sous-professionnalisation) mais aussi de construction de compétences. Encore faut-il être outillé pour les analyser mais également pour traduire ces processus en termes compréhensibles et acceptables pour les acteurs de l’emploi et les entreprises. Le rapport entre l’emploi précaire et l’usage de la formation n’est pas unilatéral, il est complexe et nécessite des éclairages différents.

Les contributions et les recherches de ce numéro de Savoirs s’inscrivent dans cette pluralité de questions où se conjuguent les comportements des personnes face à l’injonction de l’entrée en formation (Aubret/Demouge) et les éclairages fournis par l’exploitation des données statistiques (Perez).
L’usage de la formation liée aux trajectoires professionnelles réinterroge les difficultés de la (re)construction identitaire fondée sur un projet professionnel (Prestini-Christophe) ou le rapport au travail (Crochard). C’est cette dimension qui donne sens à l’engagement en formation comme anticipation de son parcours de vie. Pour les populations qui sont plutôt en déstabilisation identitaire ou en auto-dépréciation, l’intérêt de se former dépend d’abord d’opportunités professionnelles attractives et de la conscience de celles-ci. Sous cet angle le fait d’être salarié, en première insertion ou au chômage de longue durée n’est pas neutre. L’éloignement du travail accentue tous les mécanismes d’auto-dévalorisation et réduit le champ des perspectives, ce qui diminue d’autant les facteurs motivationnels et d’implication. Mais cette approche est encore trop généraliste car les systèmes de formation n’ont pas tous les mêmes effets : les contenus et les pratiques mises en œuvre peuvent accentuer les décrochages ou, au contraire, réamorcer des processus de confiance en soi et d’ouverture. Ce champ nécessite donc d’être investigué notamment en analysant les démarches d’accompagnement et de reconnaissance comme la VAE (Pinte).

Des objectifs concrets
Au-delà de ces éclairages qui doivent être prolongés, le chantier de la sécurisation professionnelle réinterroge l’organisation et l’articulation des fonctions utiles à un tel objectif à la fois social et économique. D’une façon pragmatique, il faut pouvoir garantir sur un territoire donné l’accès à l’éventail des services utiles aux mobilités professionnelles au-delà des domaines professionnels dominants localement. Cette instrumentation possède une symbolique forte qui consiste à indiquer aux publics prioritaires qu’ils bénéficient de la meilleure qualité de services possible y compris en termes de locaux, de professionnalisme des personnels administratifs ou d’accueil, de services associés (centres ressources, ateliers pédagogiques personnalisés, appui individualisé, réseaux d’entreprises, etc.). La multiplication de programmes, de sous-dispositifs, ou de mesures spécifiques, focalisés sur l’accès à la formation comme « remède en soi » a rendu impossible l’organisation d’un système rationnel d’ensemble dédié aux moins qualifiés. Les fonctions qui garantissent la pertinence sociale et économique de l’engagement en formation ont été atrophiées au profit de mécanismes de remplissage de stages standardisés.

Ne faut-il pas inverser les logiques de prise en charge des populations en difficulté sur le marché du travail ? Jusqu’à présent, celles-ci se sont souvent trop focalisées sur leurs lacunes et non sur leurs aptitudes et potentiels. N’est-il pas nécessaire de proposer rapidement des prestations complètes permettant d’enclencher des processus d’engagement de retour à l’emploi fondés sur des éléments concrets d’auto-évaluation et d’apports formatifs ciblés ? De telles démarches devraient aujourd’hui se déployer autour d’une série de prestations qui doivent combiner trois éléments forts :
– démontrer à ces publics qu’ils possèdent des savoirs, des acquis et des potentiels à travers des exercices pratiques concrets dont la transférabilité professionnelle est patente (vérifiable par des employeurs) ;
– identifier les zones de développement de ces publics afin de négocier avec elles des objectifs de progression leur permettant de renforcer leur employa­bilité y compris par l’acquisition d’une formation qualifiante ;
– permettre d’établir des liens organisés avec des réseaux d’entreprises ou de tutorat d’entreprise, des associations d’insertion par le travail ou des entreprises de travail temporaire.

Il est possible d’expérimenter dans ce champ en s’appuyant sur des partenariats avec les entreprises de travail temporaire, les officines de placement fondées sur le profilage et les structures qui travaillent sur le recrutement par les habiletés ou autres démarches fondées sur les compétences-clef. Le mérite de toutes ces démarches est qu’elles contribuent à redonner confiance aux individus en eux-mêmes (ce qui est une clef de l’engagement en formation). Aujourd’hui on oppose les méthodes de retour rapide à l’emploi et l’engagement en formation qualifiante alors qu’il faut mutualiser ces démarches dans une logique de parcours sécurisé.

Paul Santelmann
Responsable de la prospective à l’Afpa

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Résumés des articles
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Jacques AUBRET, Nicole DEMOUGE
– Professeur des Universités, honoraire,
– Docteur en Psychologie

Orientation des adultes et formation tout au long de la vie

À partir d’un recueil d’entretiens biographiques réalisés sur un public d’adultes engagés dans un stage de formation dans une période de mobilité professionnelle, nous analysons les rapports que l’on peut établir entre l’orientation des adultes et les injonctions à la formation tout au long de la vie. Deux variables (genre et statut professionnel), particulièrement influentes sur la carrière professionnelle, sont prises en compte. Les résultats montrent que les récits manifestent, mais de manière différenciée dans les groupes constitués sur la base du croisement des variables, un certain réalisme des sujets en ce qui concerne l’expression de leurs aspirations : ouverture pour les uns, adaptation aux environnements du travail et de la famille pour d’autres, résignation pour d’autres encore. Ils valident l’idée que l’entrée en formation n’est qu’un moment dans un processus d’orientation et que les pratiques d’accompagnement des adultes, telles que le bilan de compétences, trouvent leur justification dans la nécessité de proposer aux étapes cruciales de leur parcours de vie des activités de réflexion sur soi, d’analyse de l’expérience, d’aide à l’évaluation, susceptibles de développer de nouvelles motivations à s’investir, lorsque les contraintes du travail et de l’environnement tendent à enfermer les personnes sur elles-mêmes.

Mots-clés : formation tout au long de la vie, orientation professionnelles des adultes, gestion de carrière, motivation.

Coralie PEREZ
Centre d’économie de la Sorbonne – Matisse (CRA Céreq) .

Emplois précaires et formation continue [1]

Nous avons demandé à Coralie Perez de reprendre une contribution éclairante du débat sur la sécurisation des parcours professionnels qu’elle avait co-écrite avec Gwenaëlle Thomas pour le  n° spécial 388-389 d’Économie et statistiques (2005) et qui traitait du lien entre trajectoires précaires d’emploi et formation continue. Cet article concluait à ce que les salariés précaires avaient à la fois moins de chances d’accéder à une formation financée par l’employeur que leurs homologues stables, et peu d’opportunités de suivre une formation qualifiante financée par l’État. Cet enjeu demeure au cœur de la réflexion sur l’accès et l’usage approprié de la formation pour celles et ceux qui bénéficient des statuts les plus fragiles.

[1]   Cette contribution est en grande partie tirée de la publication suivante : C. Perez, G. Thomas, (2005), « Trajectoires précaires d’emploi et formation continue », Économie et statistique, n° 388-389.

Magali CROCHARD
Chargée de cours au Centre d’éducation permanente de  l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Contribution à l’étude des liens entre engagement en formation et rapport au travail

L’objectif de cet article est de contribuer à une meilleure compréhension de l’engagement en formation et de ses enjeux identitaires. Cette recherche, de nature exploratoire, est fondée sur une étude de cas longitudinale, celle d’un groupe sortant de formation professionnelle universitaire. Une revue de la littérature sur la dynamique de constructions identitaires et des représentations sociales révèle l’intérêt d’une mise en perspective du sentiment d’autodétermination comme variable d’interprétation ; par ailleurs, les données collectées font état de sentiments spécifiques, voire de « représentations ambivalentes » de l’objet travail, et du manque d’échange social comme élément pouvant conduire à ce que nous appelons une « impasse » identitaire.

Mots clés : Engagement, construction identitaire, représentations sociales, formation continue.

Mireille PRESTINI-CHRISTOPHE
Directrice adjointe de l’Institut social Lille Vauban, membre du laboratoire Profeor Lille 3 cacité.

La décision de la personne adulte à entrer en formation dans le secteur social

Ce qui apparaît spécifique à la situation de la personne adulte à l’entrée en formation, c’est bien la décision qu’elle a prise, de s’engager dans une formation. Pour celle-ci, vivre une formation ne va pas de soi et signifie un véritable engagement qui remet en cause sa situation actuelle et l’oblige à réfléchir à la mise en œuvre de cette  formation en articulation avec l’ensemble de ses préoccupations, responsabilités et activités. L’étude à partir de 32 entretiens d’adultes à l’entrée en formation dans le secteur social met en évidence que le processus de décision imbrique des facteurs contextuels mais aussi un environnement vocationnel (rapport à des valeurs pour une cohérence de soi) dans un rapport au temps. La décision se construit à partir d’un fait-déclencheur. La prise en compte de celui-ci apparaît être un axe intéressant dans la question de la mobilité de la personne et de l’orientation tout au long de la vie.

Mots clés : formation, adultes, décision, secteur social, fait-déclencheur

Gilles PINTE, Roseline LE SQUÈRE
– Maître de conférences à l’Université de Bretagne sud
– Responsable projets européens – projets innovants, service de formation continue (Adefope) de l’Université de Bretagne Sud

De la flexibilité à la sécurisation des parcours professionnels : l’outil VAE et les intérimaires  

Dans les dix dernières années, un passage de la carrière linéaire aux trajectoires professionnelles dites nomades s’est produit. Le concept de sécurisation des parcours professionnels a émergé au fur et à mesure des débats sociaux et des mutations des systèmes. En parallèle, les outils de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) permettent aux entreprises de commencer à anticiper ces mutations et ainsi mettre en place des plans d’action, dont l’ouverture à la Validation des acquis de l’expérience (VAE) fait partie. Les travailleurs intérimaires ont un accès difficile à la VAE et la reconnaissance de leurs compétences est bien souvent laborieuse. Aussi, l’expérimentation Divas a été lancée par le service de formation continue de l’université de Bretagne sud. Après avoir posé un cadre général, les auteurs se proposent de montrer comment la VAE peut viser la sécurisation des parcours des travailleurs intérimaires.

Mots clés : Validation des acquis de l’expérience – travail temporaire – sécurisation des parcours