n° 49

Les dynamiques identitaires

Éditorial
Véronique TIBERGHIEN

Note de synthèseResearch review
Mokhtar KADDOURI, Les dynamiques identitaires : une catégorie d’analyse en construction dans le champ de la formation des adultes

Articles de recherche Research papers
Muriel DELTAND, Projet de reconversion et modes résolutoires de tensions identitaires en formation : le cas de professionnels se préparant aux métiers du conseil
Béatrice DU BREIL DE PONTBRIAND et Marie BRUGAILLÈRE, L’apprentissage et la construction de soi dans une situation de rupture biographique
Sandrine BRISSOT, La mobilité comme espace de transition : une approche par les lieux 

Enjeux théoriquesResearch papers
Brigitte Albero, Jérôme Guérin, Benjamin Watteau, Comprendre la relation entre influences de l’environnement et activité : questionnements théoriques et enjeux praxéologiques 

Comptes-rendus de lectureReading Reviews
Françoise F. LAOT et Claudie SOLAR, Pionnières de l’éducation des adultes. Perspectives internationales.
Brigitte ALBERO, Teresa YURÉN et Jérôme GUÉRIN, Modèles de formation et architecture dans l’enseignement supérieur
PEUPLE ET CULTURE, Penser et agir en commun. Fondements et pratiques d’une éducation populaire.

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Éditorial
Véronique TIBERGHIEN

Cette livraison de la revue Savoirs constitue le second numéro thématique après celui consacré à la formation des ingénieurs en 2018. Conçu en lien étroit avec Mokhtar Kaddouri, ce numéro 49 rassemble une note de synthèse et trois articles portant sur les questions identitaires dans la formation d’adultes.
La note de synthèse de Mokhtar Kaddouri se propose d’explorer la notion de dynamique identitaire, son contenu, son statut épistémologique ainsi que son apport à la compréhension de l’engagement en formation des adultes. Cette synthèse prend tout son sens dans un contexte d’hypersollicitation de la notion d’identité à la fois dans le champ des pratiques sociales et dans le champ scientifique des sciences humaines. Dans un contexte de crise et de transformation profonde des repères, la revendication identitaire prend des formes variées. L’usage social de cette notion vient perturber la pertinence que des chercheurs tendent à construire depuis quelques décennies. Pour Mokhtar Kaddouri, le recours à la notion de « dynamique identitaire » contribue à éviter ces interférences entre le discours politique et managérial d’une part et le discours scientifique d’autre part et permet aussi de traiter la question identitaire de façon dynamique.
C’est à circonscrire et définir cette notion que s’emploie l’auteur dans une première partie. Les dynamiques identitaires sont considérées comme des totalités complexes, jamais stabilisées. Le terme « dynamique » renvoie à l’idée de forces en interaction, de tensions et de conflits. C’est une catégorie d’analyse intégrant différentes composantes que la note de synthèse passe en revue : projet identitaire, tensions, stratégies identitaires.
La note témoigne d’un travail minutieux de catégorisation, de définition, de théorisation de ces composantes, travail basé sur la confrontation de travaux scientifiques relevant de plusieurs disciplines. Les propres travaux de l’auteur sont pris en compte dans cette synthèse, qui met au jour des conceptions différentes des processus identitaires. Ainsi sont distinguées une conception conflictuelle de l’identité développée par Renaud Sainsaulieu et une conception transactionnelle théorisée, notamment, par Claude Dubar. Le texte montre aussi les acceptions partagées et les consensus entre chercheurs.
Les stratégies identitaires font l’objet d’un long développement. La note propose à la discussion un certain nombre de critiques relatives à l’usage de cette notion, montrant les tensions entre des visions opposées du sujet : « rationalisateur » ou « bricoleur » – « négociateur » ou « stratège plus ou moins violent » – « acteur de sa socialisation » ou « sujet déterminé ». Mokhtar Kaddouri insiste sur l’ambiguïté du statut de ces stratégies identitaires qui peuvent être envisagées comme conscience du sujet ou comme artefacts issus des inférences effectuées par les chercheurs.
Plus généralement, l’intérêt de la note de synthèse est aussi de proposer à la discussion des questions épistémologiques. Quelles précautions s’imposent aux chercheurs qui cherchent à expliquer et comprendre les conduites humaines à partir du cadre des dynamiques identitaires ? Sur quoi basent-ils leurs inférences ? Quel est l’usage des données de premier niveau recueillies auprès des sujets ? Comment distinguer un acte identitaire et un acte qui ne l’est pas ? Comment caractériser un acte du quotidien sur le plan identitaire ? Quels indices permettent d’affirmer que des projets professionnels sont des projets identitaires ? Etc. Il faut ajouter que les travaux sur les dynamiques identitaires donnent parfois lieu à des typologies. Mokhtar Kaddouri connaît bien cette ambiguïté de la typification, pour avoir lui-même proposé des typologies.
La note de synthèse revient sur les dérives classificatoires des comportements identitaires auxquelles la typification peut aboutir. Ainsi, la note donne à voir non seulement un travail de définition et de catégorisation, mais aussi une réflexion sur les positionnements épistémologiques dans le champ de recherche sur l’identité et les dynamiques identitaires.
Dans une seconde partie, l’auteur met en perspective les apports des recherches sur les dynamiques identitaires à la compréhension de l’engagement en formation. Celle-ci est envisagée comme un espace où se confrontent les intentionnalités des décideurs, des organisateurs et des formateurs et les intentionnalités des adultes engagés. Les dynamiques identitaires d’engagement en formation prennent place au confluent de ces intentionnalités. L’émergence de nouveaux modèles économiques et de nouvelles formes de professionnalité au travail expliquent en partie l’importance attribuée aux positionnements identitaires des salariés. Croisant les travaux d’investigation théorique développés dans le champ du travail et dans celui de la formation d’adultes, la note de synthèse examine les interactions entre identité et rapports à la formation. Les composantes des dynamiques identitaires mises en évidence en première partie sont envisagées sous l’angle de l’engagement : le projet, les tensions, les stratégies. Cette seconde partie montre comment les recherches sur identité et formation contribuent à rendre plus intelligibles les formes d’engagement en formation envisagées sous une forme dynamique.

La note de synthèse est complétée par trois articles de recherche abordant les questions identitaires à partir de données empiriques et de cadrages théoriques explicités dans la note de synthèse.
Muriel Deltand, dans l’article « Projet de reconversion et modes résolutoires de tensions identitaires en formation : le cas de professionnels se préparant aux métiers du conseil » interroge les modes de résolution des tensions identitaires vécues par des adultes en reconversion professionnelle, engagés dans un parcours de formation menant aux métiers de conseillers en insertion professionnelle. À partir d’entretiens avec un échantillon de ces adultes en reconversion choisie ou subie, elle met en évidence les fonctions du projet de reconversion et les stratégies mises en place par les sujets pour l’accompagner.
Une deuxième contribution, coécrite par Béatrice du Breil de Pontbriand et Marie Brugaillère, «L’apprentissage et la construction de soi dans une situation de rupture biographique», se propose de mieux comprendre les processus d’apprentissage informel et de reconstruction de soi dans des situations de rupture biographique importante. À partir d’entretiens biographiques à orientation clinique, les auteures se proposent de faire émerger, au-delà des variations individuelles, quelques caractéristiques communes des reconstructions identitaires.
Enfin, Sandrine Brissot dans l’article « La mobilité comme espace de transition : une approche par les lieux » analyse les usages que font des post-apprentis d’un dispositif européen d’alternance en s’intéressant aux remaniements identitaires à l’œuvre dans une période de mobilité transitoire. À partir d’un corpus d’entretiens et de dessins des lieux traversés par les jeunes adultes dans divers pays européens, Sandrine Brissot donne à voir les modalités de reconfiguration des rapports de soi à soi et de soi aux autres.
Au total, ce numéro 49 représente un ensemble de contributions articulées en cohérence qui, nous l’espérons, apportera aux lecteurs des ressources théoriques et méthodologiques sur la thématique de l’identité en formation d’adultes.

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Communications de recherche
résumés

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Muriel Deltand

  • Enseignante à la Haute École Bruxelles-Brabant, chercheuse associée au CIREL EA 4354, Université de Lille

Projet de reconversion et modes résolutoires de tensions identitaires en formation :
le cas de professionnels se préparant aux métiers du conseil

Résumé : Considérant la reconversion comme un changement de famille professionnelle amenant une transformation individuelle significative et un démantèlement des repères antérieurs, l’auteure analyse la manière dont des adultes confrontés à des tensions identitaires en formation résolvent celles- ci au regard de leur projet de reconversion qui, en l’occurrence ici, agit à la fois comme tamiseur des injonctions et catalyseur des réponses apportées aux tensions. Elle élabore une typologie de quatre stratégies construites à partir de données empiriques recueillies par entretiens effectués entre 2015 et 2017 auprès d’adultes en formation dans le cadre d’une licence professionnelle les préparant aux métiers du conseil.
Mots-clés : projet, transition, formation, tensions, stratégies

Retraining project and resolution of identity-related tensions in training : the case of adults preparing for counseling jobs.

Retraining is a change of professional family that brings a significant individual transformation and a dismantling of previous landmarks. In this article, the author analyzes the way adults faced with identity-related tensions in a training situation solve these with regard to their retraining project. She proposes a typology of four strategies based on empirical data collected by interviews carried out between 2015 and 2017 with adults enrolled in a higher education program on counseling.
Keywords: project, transition, training, tensions, strategies

Béatrice du Breil de Pontbriand, Marie Brugaillère

• Chargée du Développement de projet scientifique, CNAM, laboratoire FAP (Formation apprentissage professionnel)
• Doctorante en Sciences de l’éducation à Université de Lille, Laboratoire CIREL EA 4354

L’apprentissage et la construction de soi dans une situation de rupture biographique

Résumé – Toute existence est jalonnée d’événements et certains d’entre eux peuvent s’apparenter à des ruptures biographiques qui, selon les cas, mènent à l’anéantissement ou conduisent à une reconstruction de soi. Généralement, ces ruptures génèrent un processus de remise en cause personnelle au regard du continuum identitaire préexistant. S’agissant ici de comprendre le processus d’apprentissage et de reconstruction de soi dans une situation de rupture biographique, nous cherchons à éclairer les phénomènes psychiques qui sont à l’œuvre afin de progresser dans la compréhension d’une réalité humaine ancrée dans l’expérience d’épreuves multiples et douloureuses telles que la maladie, le licenciement, la retraite, la séparation, le divorce et la mort. Chacune de ces situations reste singulière mais toutes, au-delà de leur singularité, présentent néanmoins des caractéristiques communes. Ce sont des événements biographiques majeurs qui marquent un véritable tournant dans l’existence avec un avant et un après. C’est pourquoi, à partir d’entretiens biographiques à orientation clinique, nous avons analysé les multiples façons dont le sujet opère ses propres transformations et effectue un apprentissage de soi que l’on peut illustrer par cette parole forte de Marthe, l’une des interviewé.e.s : « Et donc, j’ai découvert une Marthe à l’intérieur. »
Mots-clés : événement, rupture biographique, apprentissage de soi, construction de soi

Learning and self-construction in a biographical disruption situation

Every existence is marked by events and some of them can be likened to biographical disruptions that may lead to annihilation or to self-reconstruction. These events usually lead to a self-evaluative process in the light of a pre-existing identity continuum. With a view to understanding the process of learning and self-reconstruction in a situation of biographical rupture, we seek to shed light on the psychic phenomena that are at work within a human reality rooted in the experience of multiple and painful trials such as illness, dismissal, retirement, separation, divorce and death. Each of these situations remains singular, but they nonetheless share some common characteristics. They are major biographical events that mark a turning point in life with a “before” and an “after”. Using biographical, clinical-type interviews, we analyzed the multiple ways in which the person operates his/ her own transformations and carries out a self-learning endeavor that can be illustrated by Marthe, one of our interviewees: “And so, I discovered a Marthe inside.”
Keywords: event, biographical disruption, self-learning, self-reconstruction.

Sandrine BRISSOT

  • Docteure en sciences de l’éducation à l’Université de Lille. Enseignante-chercheuse au sein de la Direction de l’innovation pédagogique de la CCI-Paris-Île-de-France après avoir été enseignante-formatrice en histoire-géographie pendant 20 ans au sein de CFA consulaires.

La mobilité comme espace de transition : une approche par les lieux

Résumé : Cette contribution propose de comprendre comment des post-apprentis formés par la voie de l’alternance, s’emparent des dispositifs européens promouvant la mobilité reliée ici aux notions d’agilité et de plasticité portées par la modernité avancée. L’individu mobile est pris dans un double mouvement dans le temps et dans l’espace. La mobilité devient un théâtre dans lequel se joue une fonction de réorientation des projets identitaires des sujets. Le renouvellement des interactions sociales et professionnelles reconfigure le rapport de soi à soi et de soi aux autres. De type qualitatif, notre travail mobilise un corpus d’entretiens et de dessins des lieux traversés et investis durant le séjour en mobilité. Les résultats font émerger les usages que des post-apprentis font du dispositif qui leur est dédié et apportent un éclairage sur les apprentissages et les remaniements identitaires à l’œuvre au contact de lieux inconnus permettant d’envisager cet espace-temps comme un espace de transition.
Mots-clés : transition, mobilité, post-apprentis, lieux, expérience, dessins.

Mobility as a transitional space : a site-based approach

Considering that European mechanisms promoting mobility offer a renewed vision of professional and training paths, this contribution propos- es to study how subjects trained through work-based apprenticeships seize these opportunities. Mobility is linked to postmodern notions of agility and flexibility. The mobile individual is caught in a double movement through time and space. Mobility becomes a theatre in which people’s identities are being reorganized. This mostly qualitative research is based on interviews and drawings of places that were visited and lived in during the mobility episode. Our results highlight the uses that post-apprentices make of the available system. They underline the learning and identity changes that appear when in contact with unknown places, making it possible to consider this arrangement of space and time as a transitional space.
Key words : transition, mobility, apprenticeship, places, experience, drawings

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n° 50

Le nouvel adulte en formation,
face à ses responsabilités

couverture du N° 50Éditorial
Christian Batal et Jean-Pierre Boutinet

Christian Batal, Une libéralisation de la formation qui redistribue les responsabilités et soulève de multiples questions
Jean-Louis Dayan, La réforme française de la formation professionnelle vue d’Europe : des progrès, mais peut mieux faire !
Gilles Pinte, De réformes en réformes de la formation continue : le tropisme de l’individualisation
Jean-Marie Luttringer, L’extension du droit de la responsabilité contractuelle dans le domaine de la formation professionnelle continue
André Chauvet, La réforme de la formation au prisme des capacités d’action de l’apprenant salarié : quelle émancipation et quelle responsabilité envisager pour l’apprenant salarié ?
Coralie Perez, Avec le Compte Personnel de Formation : l’avènement d’une logique marchande et désintermédiée
Marc Dennery, Compte personnel de formation et désintermédiation en formation : quelles perspectives ouvertes pour le marché de la formation ?
René Bagorski, Vers quelle co-responsabilité en formation par la loi pour la liberté de choisir
son avenir professionnel ?
Jean-Pierre Boutinet, Dans le champ de la formation professionnelle, quel partage des responsabilités pour aujourd’hui ?

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Éditorial
Christian Batal et Jean-Pierre Boutinet

Voici déjà un an a été lancée une nouvelle réforme de la formation professionnelle continue avec la loi du 5 septembre 2018. Cette loi s’est voulue soucieuse de promouvoir la liberté des individus dans le choix et la gestion de leur formation pour qu’ils décident par eux-mêmes de leur avenir professionnel, quitte à ce qu’ils soient accompagnés notamment dans le cadre de leur reconversion professionnelle par un Conseil en évolution professionnelle (CEP). Pour ce faire, l’ancien DIF (Droit individuel à la formation) qui avait été matérialisé en heures de formation pour être remplacé par le CPF (Compte personnel de formation), à partir du 1er janvier 2015 devient avec la loi du 5 septembre 2018 un new CPF qui n’est plus comptabilisé en heures mais en euros. Du citoyen usager de sa formation nous passons ainsi avec cette nouvelle comptabilité au citoyen client de sa formation. D’une formation médiatisée par des intermédiaires professionnels garants des dispositifs qu’ils proposent à travers les Opca, nous nous orientons vers une formation choisie par le salarié apprenant, émancipé, affranchi des intermédiaires, désormais maître de sa formation sous sa seule responsabilité, tout en ayant la possibilité de bénéficier d’un accompagnement pour choisir les offres de formation mises à sa disposition et donnant lieu à validation.
Si nous remontons aux origines de la formation professionnelle continue avec la loi de 1971, dite loi Delors, posant l’éducation permanente comme une obligation nationale, nous assistons là à un quatorzième changement législatif dans l’organisation de la formation continue. Aussi l’observateur de cette mutation institutionnelle est-il en droit de se poser des questions : cette réforme de la formation promulguée en fin d’été 2018, quelles perspectives ouvre-t-elle pour le monde de la formation et spécialement pour le salarié en formation amené à décider seul du choix de telle ou telle formation engageant son propre avenir professionnel, quitte à bénéficier d’un accompagnement ? Nous trouvons-nous en présence, à travers les textes qui nous sont proposés, d’un changement original et significatif à saisir car propre à ce secteur socio-économique de la formation et dont l’avenir dira s’il se concrétise avec les aspects bénéfiques souhaités ? Sommes-nous au contraire face à un changement révélateur de ce qui se passe dans d’autres secteurs socio-économiques, en ce qui concerne par exemple les tendances à l’individualisation des dispositifs, leur digitalisation, leur libéralisation, le départage entre la responsabilité de l’individu et la responsabilité de l’entreprise, l’autonomie proclamée de l’individu commis d’office à la servuction de sa formation ?… Est-on donc face à une réforme propre au libéralisme économique ou au contraire une réforme qui engage davantage un libéralisme politique ordonné à l’émancipation du citoyen ? En un mot, au regard des tendances socio-économiques, socio-politiques mais aussi socio-culturelles à identifier, qu’est-ce que cette loi est susceptible d’augurer d’inédit dans le champ de la formation ? Ce sont là autant de questions posées à l’expertise des auteurs qui ont accepté de prendre en charge les contributions qui suivent, compte tenu de leur propre expérience, questions rassemblées autour d’une interrogation fédératrice : comment comprendre cette injonction à la responsabilité, voire à la co-responsabilité que le législateur semble vouloir impulser chez l’adulte au travail ou en quête de travail dans le choix de sa formation ?

Que les co-auteurs de la présente publication de notre revue Savoirs pour fêter sa cinquantième parution en presque vingt ans d’existence soient ici chaleureusement remerciés pour leur participation à une telle initiative, à partir de leur propre expertise disciplinaire. Nous souhaitons que cette participation puisse être le prélude à l’organisation de journées d’étude prochaines pour prolonger ce débat ouvert sur la question de la responsabilité dans le champ de la formation.

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Communications de recherche
résumés

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Christian Batal

  • Président du Groupe Interface.

Une libéralisation de la formation qui redistribue les responsabilités et soulève de multiples questions

Résumé : La loi du 5 septembre 2018 entend réformer en France la formation professionnelle continue. De ce fait elle se donne comme ambition de transformer en profondeur la gouvernance de cette formation professionnelle en redistribuant les rôles et les responsabilités des acteurs, et ce dans une inspiration libérale. Une telle ambition soulève un certain nombre de questions que le texte qui suit cherche à identifier. Ce sont les pratiques issues de cette loi qui apporteront demain les réponses à ces questions.

Abstract: The law of September 5, 2018 aims to reform continuing vocational training (CVT) in France. It seeks to profoundly transform the governance of CVT through a liberalism-inspired reallocation of the roles and responsibilities of the actors concerned. This ambition raises certain questions that our text aims to identify. These questions will soon be answered by the practices to which the law gives rise.

Jean-Louis DAYAN

  • Directeur de Metis.

La réforme française de la formation professionnelle vue d’Europe : des progrès, mais peut mieux faire !

Résumé : L’Union européenne lance en 2002 le « Processus de Copenhague » définissant pour la première fois une stratégie européenne propre à la formation professionnelle à partir d’un état des lieux partagé par les différents pays qui la composent. Cette stratégie entend définir une coopération renforcée dans le champ spécifique de la formation professionnelle initiale et continue mais sans procédure contraignante. Elle énonce à l’intention des États membres des lignes directrices assorties de principes d’action. C’est au regard des objectifs et recommandations qui caractérisent cette stratégie européenne pour la formation professionnelle que seront examinées ici les réformes conduites en France dans le même champ, de- puis 2000. Nous essaierons de mettre en évidence les convergences vers un modèle commun de formation professionnelle mais aussi les divergences observées qui sont maintenues, sinon creusées.

Abstract: In 2002, the European Union launched the “Copenhagen Pro- cess,” which for the first time defined a properly European strategy for vocational training on the basis of a joint assessment by the countries that make up the EU. This strategy seeks to define a stronger cooperation in the specific area of initial training and continuing vocational training but with- out stipulating any mandatory procedure. It sets out guidelines and principles for action for member states. In this contribution, we compare French reforms in the area since 2000 with the objectives and recommendations that feature in this European strategy for vocational training. We highlight a certain convergence toward a common model of vocational training, but also certain notable divergences that have been maintained, if not further entrenched.

Gilles PINTE

  • Maître de conférences en sciences de l’éducation, Université Bretagne Sud. Laboratoire PREFICS, gilles.pinte@univ-ubs.fr

De réformes en réformes de la formation continue : le tropisme de l’individualisation

Résumé : Après avoir rappelé les grands moments marquants du dispositif de formation continue des adultes en France, nous chercherons à identifier ce qu’apporte la nouvelle organisation prévue par la loi du 5 septembre 2018, et ce au regard de la problématique de l’individualisation et de la co-responsabilité qui semblent l’une et l’autre marquer l’histoire récente de la formation continue. Partant de là, en guise de perspectives, nous nous interrogerons sur la capacité à s’orienter et à se former tout au long de la vie.

Abstract: After a review of the most significant stages in the system of adult continuing training in France, we seek to identify the contribution of the new organization provided for by the law of September 5, 2018. We examine this in relation to the problematics of individualization and co-responsibility, both of which seem characteristic of the recent history of continuing training. Setting out from these perspectives, we reflect upon the ability to orient oneself and to continue training throughout one’s life.

Jean-Marie LUTTRINGER

  • Conseil Droit et politiques de formation, www.jml-conseil.fr

L’extension du droit de la responsabilité contractuelle dans le domaine de la formation professionnelle continue

Résumé : L’accent mis par la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel porte sur l’autonomie de la personne, sa capacité d’agir et soulève la question de la responsabilité et de son imputabilité entrevue sous ses différentes formes. De ce fait, le présent propos s’intéressera au mouvement de «personnalisation» du droit à la formation voulu par le législateur pour savoir s’il a eu pour effet de déplacer le centre de gravité de la responsabilité juridique imputable jusqu’ici à l’État à titre principal. Qu’en est-il donc désormais de la responsabilité de l’entreprise comme de celle des prestataires de services de formation ?

Abstract: The emphasis that the law of September 5, 2018 places on the freedom to choose one’s own professional future bears upon the autonomy of the person and their capacity to act, and raises the question of responsibility and liability in their various forms. Our text discusses the tendency toward a “personalization” of the right to training advocated by the promulgators of this law, asking whether its effect will be to displace the center of gravity of legal liability, hitherto principally attributable to the state. What now is the status of the liability of companies, and that of training service providers ?

Coralie PEREZ

  • Ingénieure de recherches à l’Université de Paris 1, Centre d’économie de la Sorbonne.

Avec le Compte Personnel de Formation : l’avènement d’une logique marchande et désintermédiée

Résumé : La réforme du compte personnel de formation (CPF) est présentée comme une innovation majeure de la loi du 5 septembre 2018 « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Elle marque de fait une étape importante pour le système français de formation continue, marquant le basculement d’un système fortement régulé par des acteurs collectifs vers un dispositif individualisé largement centré sur le libre jeu de la concurrence et du marché. Trois objectifs sont explicitement recherchés par cette réforme : rendre les personnes autonomes dans leur choix de formation, réorienter l’offre de formation vers la montée en qualification, réduire les inégalités d’accès à la formation. Ces objectifs peuvent-ils être atteints ? Bien que la réforme ait été conçue et portée par des économistes, nous argumenterons ici que le raisonnement économique peut amener à en douter.

Abstract: The Personal Training Account (CPF) reform has been presented as one of the major innovations of the September 5, 2018 “Act for the free- dom to choose one’s future career.” In fact, it marks an important moment for the French system of continuing training, marking the transition from a system heavily regulated by collective actors toward an individualized system largely centered on the free play of competition and the market. The reform has three explicit objectives: rendering persons autonomous in their choice of training, reorienting training offers in line with increasing qualifications, and reducing inequalities in access to training. Are these achievable objectives? Here we argue that although the reform was designed and implemented by economists, it is precisely economic reasoning that may suggest they are not.

Marc DENNERY

Compte personnel de formation et désintermédiation en formation : quelles perspectives ouvertes pour le marché de la formation ?

Résumé : En privilégiant ici le chapitre 1er de la loi de septembre 2018 sur la réforme de la formation professionnelle, nous ferons porter notre attention sur la nouvelle approche que propose cette loi concernant le droit individuel à la formation à travers le Compte personnel de formation (CPF) de 2014 revu et corrigé, à travers aussi le Congé individuel de formation (CIF). Nous nous attarderons sur le nouveau concept de désintermédiation introduit par la réforme dans le champ de la formation et tenterons d’esquisser une approche prospective du devenir du marché de la formation et du positionnement à venir des opérateurs de formation.

Abstract: Concentrating on Chapter 1 of the September 2018 “Act for the freedom to choose one’s future career,” we will focus on the new approach that this law proposes concerning the individual right to training through the reviewed and updated 2014 Personal Training Account (CPF) and through Individual Training Leave (CIF). We spend some time on the new concept of disintermediation introduced into the field of training by the reform, and we try to outline a forward-looking approach to changes in the training market and the future positioning of training providers.

René BAGORSKI

  • Président de l’AFREF (Association française pour la réflexion et l’échange sur la formation)

Vers quelle co-responsabilité en formation par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ?

Résumé : Avec la loi du 5 septembre 2018 se trouve modifiée en pro- fondeur l’architecture du droit de la formation professionnelle : la présente contribution entend faire le point sur les évolutions fortes induites par la loi : réaffirmer la responsabilité sociale des entreprises, consacrer l’idée d’un individu responsable de son employabilité, assurer la compétitivité des entreprises et sécuriser les parcours des salariés. Face à ces évolutions, il s’agira donc de savoir quels seront les impacts de ces évolutions sur les plans et pratiques de formation des entreprises et des salariés ? À quelles conditions pourra-t-on parler de co-construction à défaut de co-responsabilité dans les projets de formation face au lien de subordination matérialisé notamment par le contrat de travail des salariés ?

Abstract: The architecture of the right to vocational training has been deeply transformed by the law of September 5, 2018. This contribution aims to take stock of the major changes enacted by the law: its affirmation of the social responsibility of companies, its enshrinement of the idea of an individual’s responsibility for their employability, the ensuring of the competitiveness of companies, and the securing of employees’ career paths. Confronted with these changes, we then ask what their impact upon companies’ and employees’ plans for and practices of training will be. On what condition can we speak of a joint construction of training projects in the absence of shared responsibility and given existing relations of subordination, particularly as manifested in employment contracts ?

Jean-Pierre BOUTINET

  • Professeur émérite à l’Université catholique de l’Ouest à Angers, Professeur associé à l’Université de Sherbrooke (Canada).

Dans le champ de la formation professionnelle, quel partage de responsabilités pour aujourd’hui ?

Résumé : Au regard des différentes contributions qui précèdent constituant ce numéro 50 de la revue Savoirs, nous nous proposons dans ce qui suit d’examiner la pertinence de la dernière loi française sur la formation professionnelle continue promulguée en septembre 2018, sous l’angle de l’autonomie et de la responsabilité des acteurs qui y sont impliqués. Ce faisant, nous chercherons à identifier 7 grandes figures de la responsabilité qui d’une façon ou d’une autre accompagnent chacune à sa manière, sur un mode individuel ou sur un mode collectif, le salarié ou le demandeur d’emploi dans le choix de son avenir professionnel par le biais de la formation, et ce dans le cadre du Compte personnel de formation institué par les lois de 2014 et de 2018.

Abstract: Building on the preceding contributions making up this fiftieth issue of the journal Savoirs, here we propose to examine the significance of the most recent French law on continued vocational training, passed in September 2018, from the perspective of the autonomy and responsibility of the actors involved. In order to do so, we identify seven major figures of responsibility that employees and job seekers, each in their own way, individually or collectively, must deal with when choosing their future career through vocational training, within the framework of the Personal Training Account established by the 2014 and 2018 laws.

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n° 51

Émancipation et formation

couverture revue Savoir n° 51Éditorial
Joris Thievenaz

Note de synthèse
Dominique Broussal
Émancipation et formation : une alliance en question

Articles de recherche
Stéphane Fukazawa-Couckuyt
Communication de l’expérience et capitalisation de savoirs issus de l’expérience : extimisation, objectivation et agrégation comme processus d’élaboration du savoir

Françoise Laroye-Carré et Patrick Mayen
Les questions de professionnalisation posées par le conseil en évolution professionnelle

Olivier Marty et Richard Wittorski
Ethnographie d’un conseil d’administration universitaire : un cas de professionnalisation conjointe

Comptes rendus de lecture
Béatrice Vicherat
Philippe Carré et Patrick Mayen (dir.) (2019). Psychologies pour la formation.
Malakoff : Dunod, 258 p.

Cédric Frétigné
Nathalie Sage Pranchère (2017). L’école des sages-femmes. Naissance d’un corps professionnel. 1786-1917. Préface de Jean-Pierre Bardet, Tours : Presses universitaires François Rabelais, coll. « Perspectives historiques », 456 p.

Solveig Fernagu
Richard Wittorski (2016). La professionnalisation en formation : textes fondamentaux. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre, coll. « La professionnalisation, entre travail et formation », 306 p.

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Éditorial

Joris Thievenaz

S’il est une thématique, classique, originelle et même constitutive du champ de la formation des adultes, nul doute que celle de l’émancipation en fait partie. Prendre pour objet d’étude les processus que recouvre ce terme et les significations qui les accompagnent n’est cependant pas un exercice facile.

L’évolution de l’usage du terme au fil des époques et les définitions qui lui sont données nécessitent une étude approfondie tant il est porteur de significations, d’intentions, d’idéologies et chargé d’implicites. Le mot est un emprunt du latin classique juridique emancipare qui signifie : « libérer de l’autorité paternelle ». Par extension, ce principe d’affranchissement s’appliquera dans le langage courant à l’idée de se dégager d’une autorité ou d’un état de dépendance, de « s’affranchir d’une sujétion, d’une tâche »1.

C’est dire si l’étude des principes, des situations et des processus qui participent à l’émancipation du sujet est une question « éternellement actuelle » en formation des adultes. Le champ de l’Éducation populaire s’est d’ailleurs constitué autour du principe de « Donner à tous l’instruction et la formation nécessaires pour devenir des citoyens capables de participer à la vie du pays, aider l’homme à développer sa sensibilité comme son intelligence, lui fournir les moyens de culture que réclame son épanouissement »2.
Cette formule, comme un écho à celle de Condorcet et à celle, plus actuelle, d’éducation permanente, rappelle qu’il y a là un enjeu majeur et central pour la formation. Problématiser les processus de l’émancipation est une façon de questionner et de s’emparer d’un tel projet social.

La note de synthèse de Dominique Broussal publiée dans ce 51e numéro de la revue Savoirs a le mérite et le grand intérêt de relever le défi de proposer un aperçu de la façon dont la recherche aborde l’étude des relations entre émancipation et formation. L’enjeu consiste à retracer les « pérégrinations d’une notion séculaire », selon la belle formule de l’auteur, mais aussi à ancrer cette question au regard des évolutions récentes que connaît le champ de la formation des adultes. Le propos est pour cela organisé en trois parties. La première s’emploie à repérer et distinguer les usages et les définitions de la notion d’émancipation au fil des époques et selon ses différents contextes d’énonciation. Une deuxième est consacrée à la façon dont les recherches en formation d’adultes s’emparent de cette thématique. Dans un dernier temps, l’auteur s’engage dans un exercice de nature prospective qui consiste à établir un ensemble de liens avec ses propres travaux notamment autour de ce qu’il nomme le « rôle de l’œuvre ».

Ce travail de synthèse dense, argumenté et particulièrement bien référencé propose un regard historique et problématisé sur une thématique fondatrice du champ de la formation des adultes ainsi qu’un ensemble de perspectives et de développements dans et pour les activités de recherche et de formation.

Une telle contribution est par ailleurs nécessaire dans une période où le projet social de l’éducation populaire, permanente et de la formation à l’âge adulte est re-questionné selon une perspective libérale (cf. le précédent numéro de la revue consacré au Compte personnel de formation).

Les articles de recherche réunis dans ce numéro s’emparent quant à eux de questionnements divers, en référence à des terrains tout aussi variés…
La contribution de Stéphane Fukazawa-Couckuyt interroge les rapports entre communication de l’expérience et capitalisation de savoirs issus de l’expérience. Une recherche conduite sur le terrain des entraîneurs de haut niveau aboutit au repérage et à la distinction de trois types de processus à l’œuvre lors de l’élaboration du savoir dans le cadre de sa capitalisation : ceux d’extimisation, d’objectivation et d’agrégation.

Françoise Laroye-Carré et Patrick Mayen formulent quant à eux des « questions de professionnalisation posées par le conseil en évolution professionnelle ». L’activité du CEP est pour cela située dans son cadre réglementaire et parmi les enjeux sociaux et individuels auxquels il répond, mais aussi au regard des premiers bilans de son expérimentation ou des compétences et des besoins de professionnalisation induits par les situations de travail. Une partie conclusive interroge dans quelle mesure un tel questionnement sur la professionnalisation des conseillers fait émerger la nécessité de prendre en compte plusieurs variables telles que l’influence de l’évolution des organisations, l’encadrement institutionnel, etc.

Une « ethnographie d’un conseil d’administration universitaire » est enfin proposée par Olivier Marty et Richard Wittorski.
Cette contribution est notamment l’occasion de discuter le principe et la notion de « professionnalisation conjointe ». L’article est également l’occasion de conduire une réflexion méthodologique sur les conditions de recueil et de traitement des données dans le cadre d’observations participantes et de longue durée.

Si les textes réunis dans ce numéro s’emparent de thématiques extrêmement différentes et selon des perspectives variées, la question de la formation du sujet et des conditions selon lesquelles il est possible de l’étudier reste structurante de l’ensemble des contributions.

1. Le Robert (dir. A. Rey) (2004). Dictionnaire historique de la langue française. Paris : Dictionnaire Le Robert, p. 1212.
2. Cacérès, B. (1964). Histoire de l’éducation populaire. Paris : Seuil.

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Communications de recherche
résumés

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Dominique Broussal

  • Professeur des Universités, UMR EFTS, Université Toulouse Jean Jaurès

Note de synthèse : Émancipation et formation : une alliance en question

Résumé Cette note de synthèse s’intéresse à la façon dont la recherche en éducation aborde la question des relations entre émancipation et formation.
Après avoir défini la notion d’émancipation et caractérisé ses usages, une deuxième partie envisage l’évolution de la relation émancipation-formation comme un analyseur possible de mutations touchant à la place faite au sujet en formation, à la dimension politique de la formation, aux rapports entre formation et emploi.
La dernière partie propose des perspectives de recherches ouvrant sur le rôle des œuvres ainsi que sur l’évaluation des dynamiques émancipatrices.
Mots clés : Émancipation, formation

Abstract : This review considers the way in which educational research approaches the relationship between emancipation and adult learning.
Firstly, the review proposes a definition of emancipation and describes its uses. Secondly, it considers its evolving relationship as a potential gauge of change to the role assigned to the learner as well as to the political aspect of training and the relationship between training and employment.
The last section proposes new research opportunities that give access to the role of “works” as well as to the evaluation of emancipatory dynamics.
Keywords: Emancipation, adult learning

Stéphane Fukazawa-Couckuyt

  • Docteur en Sciences de l’éducation, collaborateur de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance sur la mise en place d’un système de capitalisation des savoirs issus de l’expérience dans le contexte des Jeux olympiques de 2020 et 2024.

    Université Paris-Est Créteil, laboratoire interdisciplinaire de recherche sur la transformation des pratiques éducatives et des pratiques sociales (EA7313)

Communication de l’expérience et capitalisation de savoirs issus de l’expérience : extimisation, objectivation et agrégation comme processus d’élaboration du savoir

Résumé
Dans les démarches de capitalisation de savoirs issus de l’expérience, la question de l’élaboration de savoir à partir de l’expérience est peu travaillée.
À partir des concepts d’expérience (Albarello et al., 2013), de communication de l’expérience (Astier, 2001) et de savoir (Barbier, 2011), une recherche en optimisation et en intelligibilité (Barbier, 2008) sur la capitalisation de savoirs issus de l’expérience est menée. Avec un panel d’entraîneurs de haut niveau experts, cette recherche permet de dégager trois processus à l’œuvre lors de l’élaboration du savoir dans le cadre de sa capitalisation : extimisation, objectivation et agrégation. Cet article propose une meilleure compréhension de ces processus pour favoriser la mise en œuvre des démarches de capitalisation à des fins de formation.
Mots clés : capitalisation de savoirs issus de l’expérience, processus transformateurs de l’expérience en savoir, élaboration du savoir, entraîneur de haut niveau, communication de l’expérience

Communicating one’s experience and capitalizing experience-based knowledge

Abstract : In the approaches of capitalisation of knowledge from experience, the question of the elaboration of knowledge from experience is not well worked out. Based on the concepts of experience (Albarello et al., 2013), communication of experience (Astier, 2001) and knowledge (Barbier, 2011), research in optimization and intelligibility (Barbier, 2008) on the capitalization of knowledge from experience is conducted. With a panel of high-level expert coaches, this research makes it possible to identify three processes at work when developing knowledge as part of its capitalization: extimization, objectification and aggregation. This article provides a better understand- ing of these processes to support the implementation of capitalization approaches for educational purposes.
Keywords: capitalization of the knowledges stemming from the experience, transformation’s processes from experience to knowledge, elaboration of knowledge, high-level trainer, experience’s communication.

Françoise Laroye-Carré, Patrick Mayen

  • Doctorante au Centre Inffo, Sciences de l’éducation Université Bourgogne Franche-Comté / Agrosup Dijon

  • Professeur émérite en Sciences de l’éducation Université Bourgogne Franche-Comté / Agrosup Dijon

Les questions de professionnalisation posées par le conseil en évolution professionnelle

Résumé : Cet article interroge les conditions de professionnalisation des conseillers en évolution professionnelle face aux exigences du CEP. Il propose de replacer le CEP dans son écosystème, c’est-à-dire son cadre réglementaire, les enjeux sociaux et individuels auxquels il répond, les premiers bilans de son expérimentation, les compétences et les besoins de professionnalisation induits par les situations de travail. Une conclusion ouvre sur des constats et perspectives quant aux conditions du développement de la professionnalisation en les reliant à des dimensions spécifiques du travail et de la formation des conseillers.
Mots clés : professionnalisation, conseiller en évolution professionnelle, identité professionnelle, apprentissages informels, communauté d’apprentissage

Issues of professional development for CEP practice

Abstract : This article raises the questions of the professionalization of professional development counselors implied by the requirements of the CEP system. This contribution proposes to put back the CEP in its ecosystem, that is to say its regulatory framework, the social and individual issues it responds to, the first assessments of its experimentation, the skills and the professionalization needs induced by job requirements. A conclusion suggests observations and perspectives on the conditions of the development of professionalization by linking them to specific dimensions of the work and training of the counselors.
Keywords : professionalization, career development consultant, professional identity, informal apprenticeships, learning community.

Olivier Marty, Richard Wittorski

  • Chercheur au Cirnef de Rouen, ancien élève de l’ENS-EHESS, docteur en philosophie. Habilité à diriger les recherches en sciences de l’éducation.

  • Professeur des universités en sciences de l’éducation (Rouen, Cirnef), spécialiste des questions de professionnalisation. Ancien directeur du CRF au Cnam.

Ethnographie d’un conseil d’administration universitaire : un cas de professionnalisation conjointe

Résumé : L’ethnographie d’un conseil d’administration dans une université de lettres et sciences humaines permet de présenter les professions réunies au- tour de la table et les arguments mobilisés lors des controverses sur l’avenir de l’établissement. La description des métiers de la gouvernance et de leurs confrontations se fait au travers de l’hypothèse d’une professionnalisation conjointe. Ceci permet de comprendre comment les interactions régulières unissent les compétences en rapprochant peu à peu les interlocuteurs mais aussi comment émergent, à l’intersection des catégories professionnelles, des arts communs qui permettent de faire corps, notamment après une expérience intense de grève.
Mots clés : professionnalisation conjointe, gouvernance universitaire, ethno-méthodes, action conjointe, communauté de pratiques

Ethnography of a university governing board: a case of joint professionalization

Abstract : An ethnographic fieldwork within the governing boards of a research university allows us to present the different professions gathered at the table and the arguments they use during the negotiations. Our description is based on the joint professionalization hypothesis. We show how regular interactions harmonize competences and tie up representatives. Last but not least, we see how common crafts advent at the crossing of professional categories, especially during an intense strike.

Keywords : joint professionalization, university governance, ethno-methods, joint action, community of practices

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